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Extrait du journal de captivité - mai 1940

 

Le 24


Nous montons en ligne, de l’Ouest de la Moselle, nous passons à l’Est. Cantonnement évacué, tristesse d’un village vide. Le canon de temps en temps. Je connais mal ma section, obtenu la confiance des types. Nous devons partir ce soir. Neanze est en reconnaissance ; un peu d’appréhension. Astier et moi, nous promenons comme des âmes en peine. Il fait beau ; décidément j’aime le ciel bleu. Il fait bon vivre, mais Dieu que cette guerre est lourde. Pas de nouvelles, ou en est la trouée allemande ?


Neanze revient au déjeuner. Nous tiendrons les avants postes, cela grouille de patrouilles ennemies là haut.


L’après midi, je dors. Je pense à ma femme, à mon fils. Ils sont loin. Je les aime.


Je suis calme, je n’ai pas peur ; être tué qu’est ce que cela signifie. La balle, l’éclat d’obus, la mort foudroyante.
Ce soir, nous partons, agitations. Je dois relever un poste commandé par le CT Pellegrin. J’ai connu un Pellegrin il y a longtemps !…

La nuit tombe, nous sommes en route, calme du soir, douze kms à faire, les types sont calmes. Les marches, toujours la ftiue des marches.
Nous arrivons au PC de bataillon a Oudrenne, halte, dernières consignes. Je reçois un guide et un S/off. D’artillerie.
Nous traversons des bois, danger d’une patrouille boche, la lune est forte.
Arrivé devant Kerling, j’ai perdu un groupe, je l’attends 1/2 heure. Nous repartons. Colonne par un dans les rues du village, granges béantes sur la nuit.

Le 25


Nous rentrons au poste ; Pellegrin est un type bien ; énergique ; le poste une maison à la sortie du village noire, complètement noire. Il me passe les consignes, des coins dangereux. Pellegrin a eu hier matin deux tués en allant en patrouille poser un observatoire.
Les boches semblent être là a 200 m sur la crête.


Il est 2h 1/2, il n’y a pas un quart d’heure que je suis là, le bombardement commence, minenwerfern ?- les hommes se terrent dans la pièce des munitions, chacun est à son poste. Une pensée : ils vont attaquer.


3/4 d’heure de bombardement, rien ne touche la maison, les hommes se bousculent dans le noir. Je suis calme, je sais que je vais peut-être mourir, qu’importe. Nous sommes soixante dans ce groupe.


Ca y est, ils attaquent, la mitraillette, les grenades, ils sont devant la maison, nous tirons ; je suis calme. Pellegrin est magnifique, ils est blessé au front. Je surveille les VB, les munitions. Du calme, du calme. Un second blessé là haut au premier étage, le sang coule.

Nous économisons les munitions. Il faut tenir. Pellegrin est dans un fauteuil, un des hommes au FM du bas est tué, une rafale de mitraillette en plaine face, il est défiguré, il râle doucement par terre. C’est horrible.
Les grenades pleuvent sur le toit, ils semblent encercler la maison, les balles sifflent partout. Je crois être touché, non ce rien, les homme de la grange se replient ; ils ne peuvent plus tenir là-bas.

Deux FM, un au premier, un en bas. Je ne compte plus que dix huit hommes. Où sont les autres ?
Le jour se lève, accalmie, nous attendons du secours, le téléphone est coupé, les fridolins semblent se replier. Espoir.


Nous nous battons depuis 3h, près de 4h de combat.
Ça y est, ils remettent cela. Dupont râle toujours. Jacquemin tombe au premier. Les blessé sont dans la cave.
Un bruit bizarre tout d’un coup. Ah les salauds, ils ont foutu le feu à la maison, nous grillons. Doucement. Ils encerclent la maison, nous sommes fait.
Pas d’aide. Rien. Il faut sortir.

Pellegrin décide de déposer les armes, nous sortons un à un. Les boches sont très nombreux. Ils nous attendent. Nous rendons cartouche, armes. Deux des notres grillent dans la grange. Le capitaine allemand nous félicite, c’est un grand gaillard à belle allure.


Il fait un temps superbe. Nous sommes pâles et défaits. Pellegrin saigne, un des siens à l’œil enlevé. Ce n’est pas beau la guerre.
Nous partons colonne par deux, Pellegrin et moi devant. Nous marchons une dizaine de Kms. Les allemands sont très courtois, trop polis. Nous sommes emmenés en voiture. Les hommes en camion jusqu’à Merzig.

Je suis interrogé, ils sont très polis, trop polis.
Stupeur de voir leur discipline. La façon dont ils saluent. Méthode, organisation.


Je repars en voiture l’après-midi, suis interrogé à la division, à l’armée puis nous sommes mis dans une salle des fêtes désaffectée. Pellegrin revient le soir...