Historique de Moly Sabata

Communauté d'artistes fondée en 1927 par Albert Gleizes et Juliette Roche à Sablons, Isère

Echapper à la « commercialisation de l'esprit et de la création artistique » en fondant un lieu de liberté et d’amitié, propice à la création, loin des modes et des conventions de leur époque.

Devise des artistes, poètes et écrivains du mouvement de l'Abbaye de Créteil en 1906

 

 

ALBERT GLEIZES ET MOLY SABATA

(extraits des Cahiers de l'Arche)

 

LES PIONNIERS DE MOLY SABATA

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à propos de Juliette Roche-Gleizes

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Juliette Roche en 1913, Paris, Centre Pompidou, Musée national d'Art moderne, Bibliothèque Kandinsky

 

 

 

 

façade de Moly Sabata vue du chemin de halage

Photo Franceschi - Zodiaque - Tous droits réservés

Anne Dangar au four à bois à Moly

 

Histoire

Construit au 18ème siècle, ce bâtiment tout en longueur fut d'abord relais de batelier, puis ensuite couvent, et abrita, plus récemment en 1890, là où Anne Dangar animera plus tard l'atelier du Rhône, une école libre "Ecole Paul Bertois et Bertrand Charmes". Cette école ou salle de catéchisme ferma en 1906, après la rupture entre l'Eglise et l'Etat en 1904.

Géographie

Moly-Sabata est une grande demeure, d'époque Louis XVI, classée, située sur les bords du Rhône, dans le quartier Sud de Sablons dit "Fond de sablons".

Ce quartier fut jadis un port romain important. Il fut aussi le centre historique de Sablons, en face d'ailleurs de celui de Serrières, à Saint Sornin, comme le prouve l'ancienne digue, maintenant sous les eaux, et l'emplacement de la vieille église Saint Ferreol.

De celle-ci, les crues du Rhône n'ont laissé que l'emplacement qui sert de place et qui reste appelée "cimetière". Mitoyenne, Moly-Sabata se dresse, superbe, mystérieuse, cloisonnée de murs. Sa proximité extrême du Rhône en fait un site particulièrement touché par les crues qui explique certainement son nom particulièrement explicite : Moly Sabata signifie "mouille-savate" - pieds dans l'eau. Ceci est moins vrai désormais dans la mesure où le "vieux Rhône s'est assagi, du fait de la mise en place du canal de dérivation.

 

Albert Gleizes et Moly Sabata

En 1923, Albert Gleizes qui cherche un atelier près de Serrières où il vit avec Juliette Roche son épouse, est attiré par Moly Sabata. Ce lieu lui rappelle curieusement son engagement de jeune peintre avec le mouvement d'artistes et d'écrivains dite de l'Abbaye de Créteil né en 1906. Au tout début du XXème siècle, avec ce mouvement initié principalement par le poète Charles Vildrac née l'idée de créer un phalanstère, sorte de compagnonnage fraternel qui aurait fait s'unir des artistes tendus vers le même idéal :

échapper à la « commercialisation de l'esprit et de la création artistique » en fondant un lieu de liberté et d’amitié, propice à la création, loin des modes et des conventions de leur époque.

Albert Gleizes loue donc un atelier dans une des dépendances de Moly à partir d'octobre 1927.

Robert Pouyaud un des premiers élèves de Gleizes le rejoint, quittant définitivement Paris après avoir compris qu'il fallait trouver un second souffle pour le cubisme devenu "Art décoratif" à cause d'une exploitation commerciale trop facile.

Ils décident tous deux de restaurer le toit de l'autre dépendance afin d'y installer un second atelier et pouvoir y résider. C'est là que Pouyaud puis Anne Dangar qui vient d'arriver à Moly travailleront ensemble, d'abord en réalisant des pochoirs d'après des oeuvres de Gleizes, puis en dévelopant grâce à la grande artiste qui fait construire un four à bois avec ses économies, la poterie artisanale, toujours dans le souci de réaliser une oeuvre proche de la pensée de Gleizes.

César Geoffray le compositeur et créateur des chorales "à Coeur Joie" y travaillera également en créant des partitions illustrées par les pochoirs de Pouyaud. Les tisserands Bilou et JacquesPlasse le Caisne apprendront le tissage et resteront un an.

Mais la vie est rude et quelques années plus tard Pouyaud et sa femme quittent Moly pour s'installer à Clamecy où l'ancien élève de Gleizes et chercheur infatigable, a un poste de professeur.

Voyant que Moly risque d'être à nouveau à l'abandon, Gleizes et Juliette Roche sa femme décident d'acheter Moly en 1938, pour en faire un centre artistique et permettre à Anne Dangar de continuer son travail. Malheureusement la guerre arrive. Anne Dangar aidée par Lucie Marie Deveyle tisserande d'origine paysanne malgré les vicissitudes de l'occupation continue à travailler jusqu'en septembre1951, date de son décès.

 

Jean-Claude Libert à Moly Sabata

C'est en 1952 que Jean-Claude Libert et sa femme Yvette décident à leur tour l'aventure. Après 4 ans de captivité en Allemagne comme prisonnier de guerre, Jean-Claude n'a pas envie de reprendre l'affaire de dessins pour tissus que lui a légué son père Marcel Libert et sa mère Marguerite. La peinture l'attire mais il ne sait pas encore vers quel "cubisme" il va se tourner. Paris l'ennuie, le dégoûte même.

Il n'y trouve que superficialité et commercialisation de l'Art, sans vraiment de but profond. Hors, après avoir rencontré Gleizes dès 1946 et sur ses conseils de quitter Paris où il risque de se faire récupérer par les galeries, une rencontre avec Anne Dangar en 1950 est décisive pour lui.

D'abord réticente Anne Dangar décèle chez le jeune couple une sincérité et une fraîcheur que Gleizes a lui aussi trouvé. Jean-Claude apprendra là bas son métier de potier à Roussillon auprès de Paquaud, potier-paysan de la vallée du Rhône, comme Anne Dangar l'avait fait 20 ans plus tôt.
Son style s'inspirera alors parfois du style de Moly (spirale "Dangar"). Sa femme Yvette ainsi que Lucie Deveyle tisserande qui fut l’assistante d’Anne Dangar, le seconderont dans la vente de ses poteries.
Leurs deux enfants Blandine et Guillaume naissent à Moly en 1952 et 1954.
Jean Claude et Yvette quittent Moly fin 1955 après le décès d’Albert Gleizes pour s'installer à Villeneuve les Avignon et y monter leur propre atelier de potiers.

 

Geneviève de Cissey d'Alban

(sources site web de la Commune de Sablons réalisé lors des Journées du Patrimoine 2012 où furent présentées les oeuvres d'Anne Dangar, Geneviève de Cissey et Aguilberte d'Alban)

En 1949, Geneviève de Cissey prend des cours à Moly-Sabata en été, pendant trois semaines, avec Anne Dangar. Une correspondance s’instaure alors entre les deux femmes, ces lettres de 1950 sont de véritables textes d’initiation. Après la mort d’Anne Dangar en 1951, Geneviève de Cissey et Lucie Deveyle réalisent ensemble une tapisserie monumentale pour la réfection d’une église dans le Doubs puis en Juin 1955, Geneviève de Cissey travaille dans l’atelier du potier Paquaud à Roussillon en Isère. En Novembre 1955, elle s’installe à Moly-Sabata et y travaillera avec Lucie Deveyle jusqu’à la mort de celle-ci en 1956, puis seule jusqu’au début 1958.

Extrait d'un texte de Nicole ALEXANDRE, conseillère muncipale de Sablons

Elle se ferait disciple d’Anne Dangar et serait potière. Par Anne Dangar, elle assimilerait les divers aspects de la pensée d’Albert Gleizes, picturaux, humains, communautaires. ... On ne trouvera jamais le moindre heurt entre Geneviève et Miss Dangar. Anne Dangar si sévère à l’égard des prétentions intellectuelles et des préjugés mondains, a trouvé en Geneviève de Cissey, l’apprentie et bientôt l’amie, qui accepterait l’enseignement avec la soumission la plus attentive : une lente maturation dans l’acquisition des principes de la peinture plane, une maîtrise progressive des techniques de la poterie traditionnelle. Cette formation a dû se dérouler dans les années 1948 -1950. Les séjours à Moly alternaient avec les échanges de correspondances où Anne Dangar a consigné l’essentiel de la doctrine reçue d’Albert Gleizes. »

 

 

La vie à Moly Sabata de 1930 à1951

La vie à Moly-Sabata de 1930 à 1951 fut souvent comparée à une vie monastique, de renoncement au confort élémentaire.

Elle était alors représentative de la démarche même d'Albert Gleizes qui était de confondre progressivement l'art, la vie, et la foi en Dieu.

Les artistes de Moly partagent les convictions fortes d'Albert Gleizes exprimées dans ses ouvrages sur le Cubisme et notamment : la conviction d'une vérité absolue dans l'Art, l'attrait de l'absolu dans sa simplicité dépouillée, qui explique notamment le retour aux techniques premières, et les fortes influences "primitives" la recherche de la perfection dans la technique l'importance de l'"oeuvre des mains" - savoir-faire intelligent des artisans et paysans l'attrait de l'"art populaire", à opposer à l'art de salon, sophistiqué, raffiné (qui conduisait notamment ces artistes à refuser les expositions "mondaines"). la nécessité de transmettre les acquis, par l'enseignement oral ou l'écrit.

Moly fut endommagé par un incendie en Octobre 1983. Cette communauté a retrouvé vie grâce à l'arrivée de Gilka BECLU-GEOFFRAY au printemps 1990.

Elle reste donc active sous le patronage du Ministère de la Culture et de la Fondation Albert Gleizes (fondation créée suite aux dispositions testamentaires de Mme Gleizes le 23 Mars 1984).

 

 

l'atelier de poterie de Moly Sabata en 1950

L'Atelier de poterie de Moly Sabata (Photo Franceschi-Zodiaque)

Tous droits réservés ADAGP-Atelier Libert

 

la maison de Moly Sabata

La façade sur le jardin (photo Franceschi-Zodiaque)

Tous droits réservés ADAGP-Atelier Libert

 

Yvette Libert sur le balcon de Moly Sabata en 1952

 

Jean-Claude Libert au tour dans l'atelier d'Anne Dangar (1954)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

 

Les photographies de la façade de Moly Sabata signées (Photo Franceschi-Zodiaque) sont extraites de la très belle revue ZODIAQUE consacrée à Anne Dangar dans l'hommage que les Cahiers de l'Atelier du Coeur Meurtry lui ont rendu en 1972.

Les cahiers Zodiaque ainsi que les remarquables ouvrages sur les églises et cathédrales de France et d'Europe étaient illustrés de superbes photographies reproduites en hélio.

Zodiaque était dirigé à l'époque par Don Amgelico Surchamp éditée par l'Atelier du Coeur Meurtry à l'Abbaye de la Pierre Qui Vire dans le Morvan.

 

L'ABBAYE DE CRETEIL

découvrir l'aventure intellectuelle de Georges Duhamel à'Abbaye de Créteil

http://www.duhamel-abbaye-de-creteil.com/

 

S’inspirant notamment de l’Abbaye de Thélème imaginée par Rabelais dans Gargantua et du compagnonnage, le poète Charles Vildrac est le principal initiateur du projet : lors d'une réunion d'amis en décembre 1905 à son domicile de la rue Victor-Massé, il fait part de son « rêve » de vie communautaire qu'il a eu durant l'été.

Cependant, dans un courrier adressé à Mercereau le 31 janvier 1907, Vildrac écrit que « l'idée de réalisation de l'Abbaye, le moyen de la faire, tout cela éclata un dimanche de l'été dernier [1906] chez Arcos, entre Gleizes, Arcos, Duhamel, ma femme [la sœur de Duhamel] et moi »

Entre la naissance du projet et sa mise en œuvre, une année s'est donc écoulée. Le projet est d'échapper à la « commercialisation de l'esprit et de la création artistique » en fondant un lieu de liberté et d’amitié, propice à la création, loin des modes et des conventions de leur époque;

Arcos et Gleizes se sont rencontrés à Amiens, en 1904, lors de leur service militaire : le duo y connut Lucien Linard et Jacques d'Otémar.

Après plusieurs mois de recherches, ce groupe d'amis s’installe à partir de Noël 1906, au 35-37 de la rue du Moulin à Créteil, dans une grande maison entourée d’un grand parc boisé de 13 000 m2 situé le long de la Marne, plus précisément du bras-mort dit « bras du Chapitre ». La bâtisse, qui était en partie en ruine et qui fut restaurée, comprenait trois étages et des communs, dont une orangerie qui servit d'atelier pour les peintres et une dépendance, dédiée à l'imprimerie. Un grand lierre couvrait la façade. Le loyer était, selon Pierre Alibert, assez important, et fut sans doute un frein matériel à l'expérience.

Séance d'écriture à l'Abbaye de Créteil vers 1907.

 

Les membres fondateurs de l’Abbaye de Créteil,

1906 Premier plan : Charles Vildrac, René Arcos, Albert Gleizes, Henri-Martin Barzun, Alexandre Mercereau; Second plan : Georges Duhamel, Berthold Mahn, Jacques d'Otémar.

 

 

LE GROUPE DE PUTEAUX

De gauche à droite : Jacques Villon, Raymond Duchamp-Villon et Marcel Duchamp
devant l’atelier de Puteaux, vers 1910-1915.

© Centre Pompidou – Bibliothèque Kandinsky, Fonds Duchamp-Villon
Photo Jacques Faujour

 

Au cours de l’année 1911 s’est formé le groupe de Puteaux. Sont présents chez les frères Duchamp (Marcel Duchamp, Jacques Villon et Raymond Duchamp-Villon) ou dans l’atelier de Gleizes à Courbevoie, Gris, Delaunay, Kupka, La Fresnaye, Le Fauconnier, Léger, Metzinger et Severini, auxquels s’ajoutent quelques poètes et critiques. Entre deux parties d’échecs, ils commentent à nouveau la pensée de Bergson et les mathématiques nouvelles. L’idée germe d’une autre manifestation, le Salon de la Section d’or, pour montrer leurs dernières recherches. La section d’or est cette divine proportion inventée par les peintres classiques italiens.

Le Salon, organisé à la galerie La Boétie en octobre 1912, prend une tout autre tournure avec les œuvres exposées de Duchamp, Picabia et Kupka, et devient le premier salon cubofuturiste. Delaunay y présente ses dernières œuvres abstraites qu’Apollinaire qualifie d’orphisme (voir dernier chapitre : L’orphisme).

Cette salle regroupe des œuvres de Marcel Duchamp, Francis Picabia, ainsi que des peintres du groupe de Puteaux : Jacques Villon, František Kupka, Raymond Duchamp-Villon.

 

 

 

Photo : Les frères Duchamp à Puteaux au 7-9 rue Lemaître (© Centre Pompidou)

 

 

 

 

Les « abbés » dans leur parc en 1907. De gauche à droite : René Arcos, Alexandre Mercereau, Etienne Linhart Georges Duhamel et Charles Vidrac. (DR.)